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Littérature | Célébrons la nature
Littérature | Célébrons la nature
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Ginseng, la racine de vie voit le jour en 1933 et propulse Mikhaïl Prichvine parmi les plus célèbres raconteurs d'histoires panthéistes. En rupture totale avec les canons du réalisme soviétique de l'époque, le livre est une ode écologique et amoureuse émanant du coeur même de la taïga, un récit d'une rayonnante beauté servi par une langue pittoresque qui puise dans plusieurs dialectes et registres ethnographiques.
« Pas un seul des écrivains contemporains soviétiques ne sait, comme lui, voir et entendre les arbres, les animaux, les oiseaux, comprendre leur langage » écrivait Zamiatine de Prichvine. Il « n'étudie pas la nature ; il vit avec elle. S'il voit une source sourdre goutte à goutte d'un rocher, il dit «Je suis un être tel que je ne puis m'empêcher de me montrer compatissant, même pour une pierre lorsque je la vois pleurer comme un être humain» ».
Présenté alternativement comme un récit d'exploration à la Jack London - plein de grandes solitudes et d'animaux sauvages à domestiquer - et à la Kipling - on l'a comparé au Livre de la Jungle -, Ginseng est également un long poème en prose, la description d'une expérience spirituelle voire un conte dans lequel Prichvine réconcilie le réel et l'imaginaire, le rêve et le document, donnant au Grand Pan des gages étonnamment contemporains. -
C'est parce qu'il s'identifie aux bêtes qu'Hudson est en quelque sorte un «psychologue animalier». Il connaît leur langage, leurs habitudes, leurs mouvements qui traduisent ce qu'elles ressentent. S'il reste un maître dans l'art d'appréhender la nature, s'il est moderne et extrêmement actuel, c'est par sa capacité à mélanger genres et langages, observations de terrains et intelligence des hypothèses élaborées à partir de ses réflexions. Il invente sa propre «science» où l'expérience personnelle fait partie de l'observation.
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Bergère des collines est le récit d'une aventure de vie.
Florence Robert, qui était calligraphe dans le Gers, après s'être inscrite à une formation agricole, est devenue bergère dans les garrigues du sud de la France. Elle nous conte avec passion la découverte d'un métier à part qu'elle a choisi pour « rouvrir les garrigues embroussaillées au profit de la biodiversité, des orchidées, de l'aigle royal ».
Elle nous fait partager ses longues méditations sur la nature et les paysages lors du gardiennage des brebis en hiver dans le vent froid ou dans la fraîcheur des nuits d'été. Nous l'accompagnons au coeur de sa bergerie où elle fait naître ses agneaux. Elle nous associe à ses interrogations d'éleveuse sur la mort des animaux.
Le récit reprend dix ans plus tard. La bergère débutante est devenue une agricultrice chevronnée. Nous revisitons avec elle, l'espace d'un printemps, les étapes décisives de toutes ces années : les premières estives, les transhumances à pied, la mort de son chien... Elle aborde, avec objectivité et sensibilité, les problèmes auxquels les éleveurs sont confrontés : de la présence des grands prédateurs au choix de consommer de la viande.
L'écriture de Florence Robert traduit ce cheminement où la plus immédiate matérialité côtoie la poésie naturelle du réel.
Bergère des collines se lit comme un roman d'aventure, entre actualité et intemporalité.
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L'appel du sauvage - souvenirs d'enfance et de jeunesse
John Muir
- Corti
- Biophilia
- 27 Janvier 2022
- 9782714312686
Muir, c'est le héros des écologistes américains ; les Parc Nationaux, c'est lui, et sans lui, les séquoias géants de Yosemite Park auraient été débités en allumettes par les cyniques héros de la libre entreprise. Il faut lire d'abord la postface de Bertrand Fillaudeau, qui nous fait aimer follement cet Écossais élevé à la dure par un père qui maniait la Bible et le fouet.
Muir vit dans la nature, qu'il admire comme un don de Dieu et que les hommes défigurent et saccagent. Il n'est pas pour autant rousseauiste, il observe les animaux et voient bien qu'ils tuent en toute innocence au-delà du bien et du mal. Les Muir émigrent au Wisconsin, construisent leur cabane en rondins et bûchent comme des brutes. Mais John « fera la route », beatnik avant la lettre, toutefois sans alcool et sans femmes. Vagabond, il ne se considérera jamais comme un «écrivain», il est beaucoup plus fier de ses dons d'inventeur-bricoleur plutôt farfelu : trop pauvre pour s'offrir une montre, il fabrique une horloge en bois avec laquelle il déclenche le feu dans le poêle de l'école dont il a la charge.
Michel Polac.
À l'heure où les forêts disparaissent, où la vie sauvage menace de n'être bientôt plus qu'un souvenir, il faut lire John Muir, et en tirer des leçons :
Jamais ce grand écrivain naturaliste n'a été aussi actuel.
Christophe Mercier.
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Biophile et poète, Fabienne Raphoz vit au rythme des saisons. Dans un geste continu où s'entremêlent au quotidien les recherches de terrain, les lectures et l'écriture, elle tient, de saison en saison, l'observation minutieuse du vivant et l'exploration poétique de son inventivité.
Traversée sensible rythmée par les rencontres avec les livres, les animaux, les paysages vivants, La Saison des mousses tisse ces liens. Ici tout circule et se répond, tout vient ensemble, sans hiérarchie prédéfinie : des branches rougissantes des cornouillers d'hiver à la Robin d'Emily Dickinson, en passant par le retour cyclique des Guêpiers de Perse, l'organe reproducteur d'une araignée, la liste des écureuils menacés, le chant de la fauvette, la forme du poème ou l'odeur de la mousse sur les murets. Chaque page est le lieu d'une attention, un espace où s'associent la perception vivante du monde, l'enquête sur ses liens sensibles et les souvenirs qui affleurent à chaque instant et multiplient, à leur tour, les associations.
Du terrain au poème, du poème au terrain, il s'agit donc de sentir et de comprendre «l'imagination du réel» telle qu'elle prend forme en nous et dans les vies qui nous entourent. C'est tout un monde qui se déploie sous nos yeux, dont la précaire harmonie n'a d'égal que la jubilation de le voir encore réapparaître. -
Ces textes de John Muir représentent peut-être l'essentiel de son oeuvre.
Qu'il s'agisse de portraits de plantes ou d'animaux, de récits de courses en montagne ou d'autres aventures vécues, on y retrouve toujours le passionné de la nature, qui jamais ne se lasse de la décrire, de la louer, de la célébrer.
Parler de la nature est pour John Muir un plaisir toujours neuf, toujours renouvelé, un plaisir communicatif. Son enthousiasme lumineux gagne inévitablement son lecteur, qui le voit - et se voit avec lui - plongé dans les paysages grandioses qu'il dépeint, à l'affût d'un oiseau aussi étonnant que discret ou stupéfait devant une fleur jusque-là inconnue.
Tout, en effet, dans la nature suscite l'admiration, et l'article qui restitue cette merveilleuse expérience vibre d'une intense émotion. Mais pas seulement.
John Muir est aussi d'une extrême précision. Précision de l'observateur, précision de l'homme de plume. La sensation de plénitude qu'éprouve le lecteur vient de ce que l'auteur réussit à toucher simultanément le coeur et l'intellect.
C'est au moment même où l'information qu'il reçoit est la plus précise que l'impression ressentie est aussi la plus vive, et les deux sont indissociables.
Ce choix de textes majeurs, qui sont autant d'hymnes à la nature, vient ajouter au portait kaléidoscopique de John Muir, dont disposait déjà le lecteur francophone à travers les ouvrages traduits précédemment, une facette nouvelle et inattendue, celle d'un lyrisme flamboyant allié à l'information la plus rigoureuse. Mais il s'agit aussi de textes de combat, qui, un siècle plus tard, conservent toute leur pertinence.